Chronique
Auteur : TILLEUX Robert
Ainsi parlait Bobonne – III
On a pu se rendre compte déjà des traits improvisés que mes grands-parents pouvaient décocher à l’un ou l’autre. Ce ne sont pas les seuls aujourd’hui retenus. On les découvrira plus loin, au fur et à mesure.
Jeune, je les appréciais. Au seuil de la vieillesse, je les savoure, chaque fois qu’ils viennent fleurir ma mémoire. Et, dans le silence de ma bibliothèque, le fantôme de Bobonne sourit à mon plaisir.
Femme digne, au chignon impeccable, abonnée par habitude au travail, coquette avec sobriété, anticanlette (bavarde impénitente) sans indulgence, Bobonne était du temps des vieux principes sociaux. Certains imposaient leurs prescrits à la tenue des femmes. Elles devaient se respecter selon des règles vestimentaires, notamment. Je me souviens d’une condamnation énoncée pour une robe acquise par ma mère et essayée devant Bobonne pour avis. Après s’être montrée côté pile et côté face, ma génitrice, la fille trentenaire, n’a pas dû attendre le prononcé du jugement.
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La fourchette aux souvenances – III
Les haricots » cow-boy « .
Quel enfant ne fait pas la fine bouche à la seule idée de trouver à table certaines préparations culinaires et surtout certains légumes honnis ?
Je n’étais pas différent des autres. Je détestais les épinards. Je haïssais l’amertume des chicons. Je vomissais le pourpier cuit.
Plus tard, les boutons de l’adolescence oubliés, je me pris à les aimer. Aujourd’hui, les chicons doivent être amers. Je sais. Il faut les trouver parmi tous les insipides. Le pourpier, j’en sème plusieurs fois, l’été venu. Cuït, j’en raffole. Je trouve ce mets digne des meilleurs restaurants, où jamais nul ne le trouve. Certes, si semer ces minuscules perles luisantes est aussi facile que le reste, faut-il encore qu’elles se décide à germer. Elles peuvent être capricieuses si les conditions atmosphériques ou l’exposition leur servent de justifications.
Enfin, la récolte utile pour le repas faite, devoir la laver à grandes eaux feuille par feuille, peut ne pas plaire à une ménagère sans patience, alors que préparation et cuisson sont des plus faciles.
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