La Lettre Perdue.
Auteur : TILLEUX Robert
Je t’écris. C’est la première fois. C’est idiot. La lettre me reviendra. Je le sais. Tu ne l’auras pas lue. Tu ne le peux plus.
Tu ne le pourras plus jamais.
Cependant je suis à mon écritoire. La maisonnée dort encore. Je suis seul, seul avec mes pensées, seul avec toi. Sur la cheminée, la pendule dorée, surmontée d’un Napoléon III victorieux, salue, bicorne bas,
la fuite du temps.
Je t’écris. Nous nous connaissions à peine. Nous nous sommes peu fréquentés. Lors de tes rares retours au pays, je t’ai accueillie sous mon toit. Tu ne restais pas longtemps.
Cela vaut-il la peine d’en parler ?
Tu vivais loin. J’étais ailleurs. Je sais. Tout le monde dira : c’est la vie.
Cela ne veut rien dire. L’avantage de l’expression est de nous retenir à la frontière des regrets ou des remords. La vie a bon dos. Elle galope, elle nous obsède, elle nous lie les mains. Avant de mourir nous
avons tant et tant de choses à accomplir. Tout est important, très important.
………..