Chronique

Ainsi parlait Bobonne – V

Ma grand-mère maternelle, femme de dignité et de respect s’il y en a, lorsqu’elle évoquait le souvenir de mon grand père, son mari, parlait du « patron ». Ses trois fils l’imitaient. Je ne bénéficie pas de ce titre, malgré mes efforts et quelques surnoms supposés flatteurs, attribués lors de mes diverses activités.
On le sait, Bobonne, cependant, avait l’art, comme nombre de paysans de son âge ou plus jeunes, d’émettre son avis avec une économie de mots. À la vérité, elle usait d’aphorismes bien sentis pour clore, le plus souvent, une conversation sans pour autant passer pour une imbécile. Bobonne détestait les critiques des commères et, plus encore, les médisances.
Je ne l’ai jamais entendu dire, avec mépris, d’une femme légalement séparée de son époux, si rare que cela fût dans ma jeunesse : « C’est une divorcée ! ». Alors que ma mère, paix à ses cendres, ne s’en privait pas. Pour elle, née quand le siècle avait deux ans, une divorcée était marquée par le
sceau de l’infamie.
Non. Bobonne ne connaissait pas ces préjugés de petits esprits.

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La fourchette aux souvenances – IV

Le potage à l’oseille.

Je ne connais plus d’enfants. Les derniers, plus ou moins fréquentés, m’obligèrent à me poser de nombreuses questions, toutes restées sans réponse. Elles concernaient leurs habitudes en début d’existence et leur devenir d’adultes, face à des parents trop absents, non seulement physiquement pour être les premiers maîtres de l’école des devoirs et des obligations, mais aussi par défaut. Ils ne sont plus les enseignants des choses de la vie, de ces menues informations que j’appelle les histoires de nourrice, celles-là même qui éveillaient des curiosités, une relative connaissance d’un environnement. Ceux-là, négligent d’ensemencer un jardin aux Souvenances.
Devant les indigences rencontrées, les indifférences, les délaissements, le dédain même, les caprices à répétition de blasés précoces, je reste perplexe. Sans être plus bougon qu’il ne faut, j’ai tendance à croire qu’habituer les enfants aux fast-foods (en français, mangeoires), à la sacralisation
des sports, à leur pratique et à leur spectacle, ne sert pas à éveiller demain des consciences claires.


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