Extrait de Toine dans la tourmente de Arthur Masson

Et tout de suite, ce fut sur la ville un déversement massif. Dans un carrousel d’apocalypse, les quinze ou vingt avions de l’escadrille se mirent à tourner autour de la collégiale, lâchant par tonnes bombes explosives et bombes incendiaires. Du petit cabaret, on voyait sauter en l’air des pans entiers de murs, et s’ouvrir des brèches dans les pâtés de maisons qui se disloquaient, se décollaient des voisines, s’écroulaient, vomissant sur le pavé, dans un nuage de poussière blanche, leur mobilier fracassé.
Les explosions se multiplièrent, ponctuées du grondement atroce des torpilles qui pulvérisaient et dispersaient encore ce qui était déjà abattu. Et la terre se mit à trembler, elle aussi, avec une telle violence qu’elle créa chez les gens épouvantés l’impression d’une dislocation, d’un engloutissement de fin du monde. On l’eût crue martelée par un pilon gigantesque qui voulait la briser. Sur leur étagère, les verres et les bouteilles du cabaret se mirent à cliqueter. Les vitres frémirent. Dans la cheminée, un banc de suie se détacha et il s’en répandit un petit nuage dans la salle, par les interstices du foyer.
La « loi sur l’ivresse publique » encadrée de noir, était accrochée au mur par une ficelle à demi rongée. La ficelle se rompit, la vitre vola en éclats, le cadre se désassembla et, dans l’étable proche, la vache se mit à meugler d’angoisse et à secouer sa chaîne, tandis que les poules filaient droit devant elles et allaient se cacher dans l’herbe.

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Carte du 15 novembre 1940, adressée par Arthur Masson à son ami Franz Dewandelaer prisonnier à Hirchau en Bavière

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