Paul Collet, grave un lino.

Il est quatorze heures. Paul COLLET s’est retranché du monde extérieur dans son cabinet à l’antique. Dans cette pièce de l’étage, appelée « l’atelier», donnant en façade du 55 de la rue de Bruxelles, tous les trésors d ‘une vie sont soigneusement mis en valeur. Les livres précieux sont alignés dans les rayonnages, les tapis d’Orient s’entrecroisent sur le plancher, les statues naïves décorent les coins de meubles liégeois, des casques de la «grande guerre » sont attachés au mur sous la frise où défilent des soldats de bois, des colliers multicolores venant de notre mère se mêlent heureusement dans un vaste plateau de cuivre repoussé posé sur un vieux coffre. Au mur encore s’étale un immense châle persan, garni d’armes blanches toutes acquises aux puces de Bruxelles. Les pans de murs restant libres sont occupés par des dessins, pastels, estampes ou séries d’assignats.

Papa entame sa méridienne sur le large divan poussé dans un coin de la pièce où s’entassent coussins au petit point. Il parcourt l’éditorial du quotidien, un article littéraire d’un hebdomadaire parisien ou relit des passages de Péguy «Heureux ceux qui sont morts pour une juste cause… Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés… ». Il écrase tantôt sa « Flag» dans un fin cendrier de porcelaine à portée de la main sur une petite table marocaine aux incrustations florales et aux ajours réguliers. Il oublie tout : la plaidoirie de neuf heures, le siège quasi-quotidien comme magistrat suppléant, les soucis du ménage, les menus problèmes des enfants. Il va comme on l’aimait entendre dire : « remonter ses piles »…

Une heure de bon repos qu’il veut parfois prolonger d’une heure ou deux de grâce, avant de redescendre au bureau pour rédiger des conclusions. C’est le cas aujourd’hui.

Il époussette tables, meubles, objets, tranches de dessus des livres, la fenêtre largement ouverte. Il la referme bien vite et allume un ruban d’Arménie dans la cassolette appropriée.

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